Description de l’espèce
L’épervier est l’un des plus petits rapaces diurnes d’Europe. Le corps de cet oiseau est plus fin que celui de l’Autour des palombes, surtout au niveau de la poitrine et de la région lombaire ; la tête est moins proéminente et plus arrondie ; les ailes sont courtes, relativement larges et arrondies [6]. La queue est plutôt longue et droite, ou légèrement échancrée, mais pas autant que l’Autour. Le bec, bleuâtre et plus sombre à sa base, est petit pour un rapace. A distance, l’épervier présente une face supérieure sombre et une face inférieure claire. La couleur du plumage est différente selon les sexes. En effet, les mâles ont le dessus gris plus foncé que celui des femelles. Sa coloration varie du gris-bleu au gris ardoise foncé, tandis que la femelle est grise avec des reflets bruns. L’adulte présente un dessous barré typique : des barres transversales très fines et régulières sur un fond gris pâle. Le mâle est, à des degrés divers, plus roux, la femelle gris foncé. Celle-ci présente également des sourcils clair bien marqués, qui la distinguent du mâle. De plus, le dimorphisme sexuel de cet oiseau est le plus accentué parmi les espèces de rapaces nichant en France (le mâle, de taille similaire au Faucon crécerelle, mesure 61 % de la femelle) [5].
Le jeune a la face supérieure brune, le dos et les couvertures alaires bordées de brun-roux. Sur la face inférieure, il se distingue de l’adulte par la forme plus irrégulière de ses rayures transversales sur la poitrine, cependant ce critère varie d’un individu à l’autre.
Le vol battu consiste en une série de battements rapides alternant avec de courts vols glissés, les ailes presque horizontales [10]. L’épervier vole également en cercles, surtout pendant la migration. En chasse, il accélère et bat plus rapidement des ailes. Il vole souvent au ras du sol, se dissimule derrière un obstacle avant de surprendre sa proie, mais il est possible de le voir planer au-dessus d’un champ avant de commencer sa chasse.
Longueur totale : 28-37 cm
Envergure : 58-65 cm pour le mâle ; 68-77 cm pour la femelle
Poids : 185-350 g pour la femelle ; 110-200 g pour le mâle
photo : Fabrice Croset ©
Répartition géographique
A l’est du Paléarctique occidental, l’aire de répartition de l’Epervier d’Europe dessine une large bande jusqu’à l’océan pacifique ; une aire isolée existe dans l’Himalaya. La sous-espèce nominale vit dans la majeure partie du Paléarctique occidental. A l’est, elle est remplacée par une autre, un peu plus grande,A. n. nisosimilis, et, dans l’Himalaya, par A. n. melachistos, de même taille mais légèrement plus sombre. C’est en Corse et en Sardaigne que vit la petite sous-espèce foncée A. n. wolterstorrfi [8 ; 14]. A. n. granti, petite et foncée, s’observe sur les îles Canaries et à Madère, tandis que A. n. punicus, grande et claire, est présente en Afrique du Nord.
Biologie
Ecologie
L’Epervier affectionne les milieux variés riches en passereaux, où les zones agricoles traditionnelles, composées d’herbages et de cultures ceinturées de haies, de fermes, de hameaux, alternent avec quelques bois mixtes ou composés de conifères, lui permettant d’y établir son nid. Les sites de nidification, très variés, sont situés traditionnellement dans un bois de plus de 10 hectares et fréquemment installés sur un conifère, à proximité d’une lisière ou d’une clairière. L’absence de conifères n’est pas rédhibitoire car l’oiseau peut aussi construire son nid sur des arbres à feuilles caduques. Certains se contentent de haies ou de bois de superficie inférieure à 5 hectares ; d’autres choisissent même de s’installer en milieu semi-urbain ou urbain. L’Epervier préfère les zones collinéennes aux secteurs montagnards : sa densité diminue rapidement au-dessus de 1000 mètres d’altitude, et il niche rarement au-delà de 2000 mètres. En hiver, le rapace quitte souvent les bois et chasse surtout dans les milieux ouverts où les petits oiseaux dont il se nourrit bénéficient de la nourriture distribuée par l’homme.
Comportement
Selon la situation géographique de la région où il niche, l’Epervier est migrateur, erratique ou sédentaire.
En France, l’épervier est sédentaire, bien que dans l’Est et en zone de montagne, il soit partiellement migrateur en fonction des rigueurs de l’hiver. Cette espèce est commune à cette période, le pays accueillant des hivernants nordiques en plus de sa population.
Reproduction et dynamique des populations
L’épervier se reproduit normalement à l’âge de un ou deux ans, mais certains individus ne s’accouplent qu’à partir de la troisième ou la quatrième année. Le couple ne dure souvent qu’une saison de nidification, mais, dans les régions où les deux partenaires séjournent toute l’année dans leur territoire ou à proximité, ils peuvent rester ensemble plusieurs saisons.
Au début de la période de reproduction, certains couples effectuent des parades aériennes semblables à celles de l’Autour des palombes (montées et descentes en piqué), alors que d’autres se poursuivent à travers bois. L’épervier construit une aire nouvelle chaque année, de préférence sur un conifère situé souvent en lisière de boisement ou même sur un arbre de bordure. Il est placé entre 4 et 12 mètres de hauteur (8 mètres en moyenne), à la limite entre les branches mortes et vivantes. C’est la femelle qui s’implique le plus dans sa construction.
Le rapace compense sa faible longévité par une production relativement importante de jeunes par nichée. Les 3 à 6 œufs sont généralement pondus à deux jours d’intervalle, à la fin avril ou en mai, et couvés chacun 33-36 jours par la femelle. Les jeunes restent au nid 24-30 jours et sont accompagnés pendant 20-30 jours encore. Les données enregistrées en Normandie indiquent une dispersion des jeunes après l’envol à une distance de 13 kilomètres en moyenne, les mâles ayant tendance à être plus philopatriques que les femelles.
Entre les années 1950 et 1970, la productivité fut très faible, certainement en raison de la sensibilité de l’épervier aux pesticides. Les restrictions apportées à l’emploi des pesticides chlorés, notamment celles relatives au DDT, au PCB et à la dieldrine, ont fortement amélioré la situation de l’espèce. A titre d’exemple, la productivité de cet oiseau est remontée à 2,8 jeunes par couple au Danemark entre 1974 et 1976. Sans toutefois retrouver sa prospérité antérieure, l’épervier a progressivement reconquis une partie du terrain perdu en Europe septentrionale et centrale.
Le taux de survie adulte, calculé au sein de plusieurs populations en Ecosse, varie de 59 à 72 % [9]. La longévité maximale de ce rapace est de 16 ans.
Régime alimentaire
L’épervier est un spécialiste de la chasse aux passereaux, qui représentent 97,5% des proies capturées pendant la période de nidification, selon une étude menée en Allemagne et aux Pays-Bas. Des espèces peu discrètes, comme les mésanges, le Rouge-gorge familier, le Pinson des arbres, les hirondelles, les turdidés et le Moineau domestique sont fréquemment attaquées. Le mâle ne s’attaque en général qu’aux passereaux de petite taille, tandis que la femelle peut capturer des oiseaux de plus grande taille comme les turdidés ou les pigeons.
L’épervier ne craint pas la proximité de l’homme, et il n’est pas rare que ses itinéraires de chasse traversent les cours de ferme et les jardins, où les passereaux abondent. La taille de son domaine vital, variant entre 6 et 10 km², est fonction du sexe, de la concentration des proies et des saisons [4]. Il prospecte quotidiennement une partie de ce domaine selon des circuits bien établis et parsemés de postes de guet réguliers.
L’épervier vole à très faible hauteur en profitant de tous les écrans pour surprendre ses proies. Il chasse aussi à l’affût ou en vol d’altitude. La femelle a l’habitude de patrouiller au ras du relief, le long des talus tandis que le mâle préfère se tenir à l’affût sur un arbre.
Etat des populations
L’épervier d’Europe, dont la population totale est estimée à plus de un million de couples, n’est pas menacé au niveau mondial et se situe dans la catégorie préoccupation mineure de la liste rouge de l’UICN [2 ; 7]. A l’échelle européenne, les effectifs sont situés dans une fourchette de 137 000 à 190 000 couples (Russie et Turquie exceptées) [1 ; 12]. La Russie concentre la population la plus importante avec 160 000 à 180 000 couples. Avec ces 26 000 à 42 600 couples, soit 20 % du total européen, l’espèce se porte également bien sur le territoire français [13 ; 11]. Aucune région n’est désertée par le rapace et sa distribution est assez homogène à travers le pays. Il est néanmoins moins fréquent dans les secteurs de grandes cultures du Bassin parisien (Beauce, Brie, Champagne crayeuse) et localement en Poitou-Charentes et en Aquitaine.
L’action combinée des pesticides, du remembrement et des destructions d’adultes et de nichées ont réduit de façon drastique les populations d’éperviers, qui chutèrent au plus bas dans les années 1970. L’effectif national connu à ce jour suggère que l’épervier a largement progressé depuis cette époque. A l’échelle du pays, la densité moyenne demeure faible (6,1 couples/100 km²), notamment au regard de la densité moyenne constatée au Royaume-Uni (14,1 couples/100 km²) et compte tenu des disponibilités de sites favorables à l’espèce en France.
Menaces
La situation de l’épervier est globalement favorable. Néanmoins, les populations des bocages sont menacées par les pratiques d’ouverture du paysage par arasement des haies et une conversion des herbages en cultures, induisant une raréfaction importante des espèces proies [3]. Par ailleurs, l’épervier est encore victime de tirs lors de la chasse aux pigeons dans les bois (constat en Normandie et dans le Limousin), peut-être plus par confusion que par acte délibéré.
Propositions de gestion
L’Epervier d’Europe ne fait pas l’objet de mesures de protection fortes, en raison de ses effectifs importants. Néanmoins, pour favoriser l’espèce, il est conseillé de limiter les travaux en forêts durant la période de reproduction, réduire l’usage des pesticides et maintenir les haies bocagères dans les secteurs agricoles.
Etudes et recherches à développer
Les données acquises par l’Observatoire rapaces chaque année permettrons d’accroître les connaissances sur l’Epervier d’Europe. Ce suivi régulier est essentiel pour mesurer précisément les tendances d’évolution des effectifs et la répartition de cette espèce commune en vue d’orienter des logiques de conservation et de surveillance.
Bibliographie
[1] Birdlife International/European Bird census Council, 2000. European Bird Population : Estimates and trends. Cambridge, U.K.
[2] Birdlife international, 2000. Threatened Birds of the World. Lynx Edicions/Birdlife international, Barcelone/Cambridge.
[3] Collette J., 1983. Quelques effets du remembrement sur les passereaux du Bocage normand. Le Cormoran, 5 : 44-49.
[4] Cramp S. et Simmons K. E., 1980. Handbook of the Birds of Europe, the Middle East and North Africa. Hawks to Bustards.Oxford University Press, Oxford.
[ ] Dubois, P.J., Le Maréchal, P., Olioso, G. et Yésou, P., 2001. Inventaire des Oiseaux de France. Nathan, Paris.
[5] Ferguson-Lees J. et Christie D. A., 2001. Raptors of the World. Ch. Helm, London.
[6] Gensbol B., 2005. Guide des rapaces diurnes d’Europe, Afrique du Nord et Moyen Orient. Delachaux et Niestlé, Paris, 403 p.
[7] IUCN, 2008. The IUCN Red List of Threatened Species. http://www.iucnredlist.org
[ ] Joncour G., 1986. L’Epervier d’Europe. Etude d’une population en basse Bretagne. Editions FIR, 191 p.
[ ] Newton, I.1978. Feeding and development of sparrowhawk Accipiter nisus nestlings. Journal of Zoology 184:465-488.
[8] Newton I., 1986.The sparrowhawk. T. et A.D. Poyser, Calton, UK.
[9] Newton I., Willie I., Rothery P., 1993. Annual survival of sparrowhawks Accipiter nisus breeding in three areas of Britain. Ibis, 135 : 49-60.
[10] Porter R.F., Willis I., Christensen S., Pors Nielsen B., 1995. Rapaces diurnes d’Europe. Le guide d’identification en vol. Editions Perfils.
[11] Thiollay J.M. et Bretagnolle V., 2004. Rapaces nicheurs de France, Distribution, effectifs et conservation. Delachaux et Niestlé, Paris, 176 p.
[12] Tucker G. M. et Heath M. F., 1994. Birds in Europe : their Conservation Status. Birdlife Conservation Series n°3. Birdlife International, Cambridge.
[13] UICN France, MNHN, ONCFS & SEOF. 2008. La Liste rouge des espèces menacées en France, selon les catégories et critères de l'UICN. Chapitre Oiseaux nicheurs de France métropolitaine. Dossier de presse. Paris.
[14] Del Hoyo J., Elliot A. et Sargatal J., 1994. The Handbook of the birds of the world. New World Vultures to Guineafawl. Lynx Edicions, Barcelona.