La prise en compte de l'habitat devrait permettre d’affiner les estimations d’abondance des populations de rapaces. Quelques précisions sur la méthode et exemple d’application pour le Milan noir.
Les estimations proposées dans le cadre de l'observatoire rapaces sont issues d'analyses prenant en compte seulement les résultats issus des comptages (nombre de couples possibles / certains sur les carrés). La prise en compte de données extérieures, notamment les habitats, devrait permettre d'affiner les estimations. En effet, les probabilités de trouver X couples de telle ou telle espèce sur un carré sont liées aux caractéristiques "physiques" du dit carré, mais aussi aux densités observées sur les carrés voisins. Ainsi il existe des approches qui peuvent prendre en compte ces informations "extérieures" et nous cherchons à affiner les estimations en construisant des modèles statistiques incluant ces informations : habitats, altitude, climat, nombre de couples aux alentours…etc. Depuis 2009, ce travail a fait l'objet de recherches au CNRS de Chizé, notamment de la part d'étudiants au Master 2 et est en plein développement.
Nous illustrerons ici les démarches effectuées précédemment, de la plus simple à la plus élaborée, avec l'exemple du Milan noir.
La première carte est celle issue de l'approche classique, un lissage spatial simple (krigeage), où seules les données de comptage sont prises en compte, sans autre information extérieure. C'est l'approche retenue pour le livre de 2004 et les estimations proposées annuellement.
Carte 1 : Estimation de l'abondance du Milan noir (2000-2002), approche classique par krigeage.
La deuxième approche fonctionne en deux étapes : les présences / absences sont d'abord modélisées selon le climat et l'altitude, puis, dans un deuxième temps, les densités (donc les présences seules) sont modélisées en fonction de l'habitat à fine échelle. Cette deuxième approche permet notamment de savoir quels habitats influencent significativement les densités, dans le cas du Milan noir ce sont principalement les milieux humides. Elle permet aussi de prédire les zones les plus susceptibles d'accueillir de fortes densités selon les habitats (voir la deuxième carte qui représente les densités potentielles du Milan noir, fortement liées aux zones humides).
Carte 2 : Estimation de l'abondance du Milan noir (2000-2002), approche en deux étapes avec prise en compte de l'habitat. Les prédictions renseignent sur des abondances potentielles et non sur des abondances réellement observées.
La troisième approche est issue d'une analyse plus sophistiquée (statistiques bayesiennes) où les présences / absences et les abondances sont modélisées en fonction des variables externes dans un seul et unique processus. Elle permet de combiner les avantages des deux premières approches et fournit une idée plus précise de la répartition et des abondances.
Carte 3 : Estimation de l'abondance du Milan noir (2000-2002), approche bayesienne. Cette approche combine les avantages des deux méthodes précédentes et fournit des estimations précises de densités.
Par Vincent Bretagnolle, David Pinaud, Maxime Passerault, Arzhela Hemery & Kévin Le Rest (Centre d’études biologiques de Chizé, CNRS).
Source : Rapaces de France - L'OISEAU magazine - hors-série n°12 - 2010.