Introduction
A l’issue de l’Enquête Rapaces 2000/2002 (Thiollay & Bretagnolle 2004), et comme déjà élaboré partiellement depuis 2004 mais surtout depuis 2007, nous avions proposé d’établir un suivi des populations nicheuses de rapaces de France sur la base d’un échantillon de carrés, réalisés dans les mêmes conditions que ceux de l’enquête 2000-2002. Une centaine de carrés (idéalement, un par département métropolitain), sur les 2 200 que compte la France (pour mémoire, 1 200 avaient été réalisés en 2000/2002), répartis donc de manière uniforme sur le territoire national devait suffire à produire des estimations nationales et annuelles pour les 10 espèces les plus abondantes.
La LPO Mission Rapaces, sous la houlette de J.-M. Thiollay et F. David, a donc mis en place cet observatoire : un carré tiré au hasard dans chaque département constituait l’objectif. Par la suite, compte tenu de la difficulté pour lancer cette nouvelle enquête, des aménagements successifs ont vu le jour entre 2004 et 2008, puisque pour cette année, cinq carrés sont tirés au hasard sur chaque département. Nous vous présentons ci-dessous les résultats issus des analyses que nous venons de réaliser sur les données collectées au printemps 2008, que nous comparerons également aux données de 2000-2002, puis à celles de 2004-2007.
Couverture réalisée
Le nombre de carrés réalisés par les observateurs a été croissant d’année en année, 7 en 2004, 21 en 2005, 43 en 2006, 74 en 2007 et …104 en 2008. La figure 1 représente la distribution des carrés prospectés en 2008, et indique clairement que la couverture nationale s’améliore fortement même si certains départements restent réfractaires, et qu’il faut reconnaître que la couverture 2008 a aussi bénéficié de l’enquête milan royal.
Figure 1 : Les carrés réalisés en 2008, selon l’enquête « observatoire Rapaces » et le suivi spécifique « Milan royal ».
Méthode d’analyse
Le protocole d’analyse (statistique) est strictement identique à celui de l’ancienne enquête : au cas où un carré est réalisé plusieurs fois, les valeurs maximales sont retenues.
Résultats
En comparant directement les carrés réalisés pendant la première enquête nationale et l’observatoire sur la période 2004-2007, nous avions constaté une augmentation assez générale du nombre maximal (certains et possibles) de couples détectés, avec des augmentations significatives notamment pour la buse variable (en moyenne +1.6 couple / 25 km²) ou l’épervier d’Europe (en moyenne +0.7 couple / 25 km²).
Les nombreuses données collectées en 2008, qui permettent pour la première fois de réaliser une analyse sur une seule année, nous amènent à tempérer ces conclusions. En effet, on constate différentes tendances selon les espèces : certaines populations semblent stables (bondrée apivore, faucon crécerelle, etc.), d’autres semblent diminuer (busard saint-Martin, autour des palombes, etc.), d’autres enfin augmenter (milan noir). C’est en tout cas ce que suggèrent la figure 2 et le tableau des effectifs calculés sur 2008, avec leur intervalle de confiance. Ils indiquent également que plusieurs espèces semblent avoir enregistré un déclin marqué entre 2004-2007 et 2008, comme l’autour ou le busard saint-Martin. Pour cette dernière espèce d’ailleurs, le déclin est significatif, y compris par rapport à la période 2000-2002. A l’inverse, le milan noir montre une hausse très nette des effectifs en 2008, par rapport aux deux périodes précédentes. Bien sûr, ces chiffres sont encore à prendre avec précaution, et il est délicat de parler de tendances pour l’instant.
Figure 2 : Estimation nationale du nombre de couples selon les trois périodes d’enquête (Les barres d’erreur indiquent l’estimation maximale).
Tableau 1 : Estimations nationales pour les trois enquêtes.
Espèce
|
2000-02
|
2004-07
|
2008
(estimation, min - max)
|
Autour des Palombes
|
5500
|
7320
|
4690 (4150 - 5290)
|
Bondrée apivore
|
12600
|
12850
|
11000 (9330 - 14770)
|
Busard St-Martin
|
9300
|
12080
|
7220 (6320 - 8260)
|
Buse variable
|
142740
|
143000
|
133000 (115700 - 152800)
|
Epervier d'Europe
|
33660
|
33700
|
27000 (21000 - 34600)
|
Faucon crécerelle
|
85570
|
91150
|
83800 (70900 - 98900)
|
Faucon hobereau
|
8400
|
8380
|
7320 (5580 - 9600)
|
Milan noir
|
21800
|
22010
|
29400 (26300 - 32700)
|
Interprétation et conclusions
Les fluctuations d’effectifs constatées semblent être la conséquence de deux phénomènes, non exclusifs. Premièrement, une meilleure détection des couples peut être envisagée, une majorité de carrés effectués en 2008 l’ont été aussi en 2000/02 et les observateurs gagnant en expérience (ce point avait été évoqué en détail lors de l’analyse en 2007). Deuxièmement, ces résultats peuvent traduire une réelle variation des populations, au moins pour certaines espèces. Il est en effet attendu que les populations de rapaces varient annuellement selon les niveaux d’abondance de leurs proies par exemple. Or nous savons que l’année 2007 a été une année « exceptionnelle » pour l’abondance des campagnols, et ce à l’échelle de la France entière (y compris le sud du Massif central). Par contre, 2008 a été une année « crash » partout en France.
Figure 3 : Comparaison carré à carré entre 2000/02 et 2008 du nombre de couples (± intervalle de confiance à 95%). Une étoile indique une tendance significativement différente de zéro.
Des espèces comme la buse variable, le busard saint-Martin ou le faucon crécerelle pourraient donc avoir décliné entre 2007 et 2008 pour cette raison. Toutefois, le milan noir qui se nourrit également de campagnols montre une tendance inverse, et l’autour, qui n’en mange pas, a décliné autant que les trois premières espèces… Seul un suivi renouvelé dans le temps permettra de détecter des tendances de fond. Dans tous les cas, une fois encore, nous insistons sur le fait que ces résultats sont très encourageants, et nous espérons vous inciter à poursuivre votre effort.
Encore bravo et merci aux 290 observateurs qui ont permis de réaliser cette analyse !
Par Vincent Bretagnolle & David Pinaud (Centre d’études biologiques de Chizé, CNRS), avec l’aide de Fabienne David (LPO Mission Rapaces).
Source : Rapaces de France - L'OISEAU magazine - hors-série n°11 - 2009.
|