Description de l'espèce
Rapace diurne pâle, de grande taille. Au posé, il présente une grosse tête ronde avec de grands yeux jaunes rappelant un rapace nocturne. Se reconnaît assez facilement en vol : dessous blanc plus ou moins parsemé de taches beige à chocolat alignées et marqué d’un plastron brun du menton au haut de la poitrine, de taille et d’intensité variables. Le dessus est bicolore, la tête et les couvertures brun clair contrastent avec les rémiges brun foncé. Les ailes longues et larges sont bien digitées. La queue est barrée de trois bandes noires bien séparées. Le dimorphisme sexuel est peu marqué. Le plumage juvénile n’est caractérisé que par son état de fraîcheur et une étroite bordure pâle à l’extrémité des rémiges et rectrices.
En vol, sa silhouette et son allure sont caractéristiques. Dans toutes ses actions, il se dégage une impression de nonchalance même en vol glissé avec son profil en forme de M majuscule. Il utilise à merveille les courants aériens pour se déplacer, sinon ses mouvements sont amples. Sa technique de chasse fait appel au vol stationnaire en modifiant en permanence l’ouverture de ses ailes et en maintenant souvent les pattes pendantes, sa grosse tête scrutant le terrain. Vu de face, les ailes dessinent une accolade aux pointes relevées. Peu loquace, ses cris portent loin (JCR, CD1/pl.72).
Longueur totale du corps : 62-67 cm. Poids : 1200-2000 g pour le mâle, 1300-2300 g pour la femelle.
photo : Bruno Berthemy ©
Répartition géographique
Le circaète est une espèce répandue des zones tempérées chaudes, méditerranéennes, steppiques et tropicales de l’Europe du sud, du nord de l’Afrique, du Moyen-Orient et de l’Asie centrale, du sous continent Indien et des petites îles de la Sonde [bg14].
En Europe l’aire de distribution s’étend sur 22 pays [1] entre le Golfe de Finlande au nord de l’Estonie, le détroit de Gibraltar et le nord de la Caspienne, l’essentiel des populations étant établi dans les pays méditerranéens et en Russie du sud.
Espèce migratrice (sauf les oiseaux du sud-est asiatique, sédentaires), le circaète passe l’hiver en Afrique sahélienne au sud du Sahara, du Sénégal à l’Ethiopie, entre les latitudes 14 et 17° nord [4].
En France, il ne niche qu’au sud d’une ligne reliant la Vendée au Jura en passant par la Sologne, l’Orléanais, le sud de l’Yonne et la Côte d’Or, mais la majorité des couples sont fixés dans le sud-est : régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Languedoc-Roussillon, sud de Rhône-Alpes et sud-est du massif central.
Le passage migratoire pour les oiseaux français s’effectue en majorité par les Pyrénées dont 80% par l’Est de la chaîne [5], puis le détroit de Gibraltar pour rejoindre les quartiers d’hiver.
Biologie
Ecologie
Le Circaète recherche les milieux ouverts à couvert végétal peu épais, riches en reptiles, sa nourriture principale : pelouses sèches ou rocailleuses, friches et landes de divers types, forêts claires de pins purs ou en mélange avec des chênes, pâturages divers, garrigues, milieux rocheux, zones humides. Il niche en forêt dans un secteur tranquille, sur un pin de forme tabulaire ou un gros chêne à feuilles caduques ou persistantes offrant une grande branche horizontale découverte. On trouve le nid dans des secteurs accidentés en moyenne montagne ou dans de vastes forêts de plaine pourvu que l’accès aérien soit dégagé. Le site de reproduction, s’il ne connaît pas de perturbations, est fidèlement occupé année après année, même si l’emplacement du nid change assez régulièrement. En période d’hivernage, en Afrique, il occupe les savanes à acacias et les steppes arides.
Comportement
Grand voilier diurne, il s’active dès que les courants chauds lui permettent de prendre de la hauteur. Il n’est donc pas très matinal. Les couples restent unis pour la vie et se retrouvent ensemble chaque année sur le lieu de nidification. Son territoire ne couvre que quelques hectares autour du nid, par contre son domaine vital englobe plusieurs dizaines de km2 : 60 km2 en moyenne pour la Haute Loire [1].
Grand migrateur, il arrive de fin février à fin mars en France. Le départ s’étale de fin juillet à début novembre culminant dans la seconde quinzaine de septembre [5].
Reproduction et dynamique de population
Dès l’arrivée, les sites de nidification sont occupés et défendus notamment par des vols en festons. Puis la réfection ou la construction de l’aire est rapide. Sa taille semble ridicule pour un oiseau aussi imposant (de 50 à 100 cm de diamètre et 20-30 cm d’épaisseur). Située entre 2,5 et 32 m de haut, elle est réalisée en branchettes sèches de 30-50 cm de long, la cuvette centrale recevant un tapis de rameaux courts de résineux et de feuillus. Les densités connues varient de 0,5 à 9 couples/100km² avec localement jusqu’à 12 et en moyenne des valeurs supérieures à cinq sur le pourtour méditerranéen [bg66]. Parades, accouplements et défense territoriale occupent le mois qui précède la ponte. Composée d’un seul et unique oeuf blanc de forte taille, elle est déposée de fin mars à mi-mai. En cas de destruction précoce de l’oeuf, une ponte de remplacement est possible. L’incubation dure entre 45 et 47 jours, rôle attribué à la femelle, le mâle étant souvent perché sur un reposoir proche. Jusqu’à l’âge de six à sept semaines le jeune est gardé et abrité par l’un des parents aux moments les plus chauds. Vers 45 jours, son plumage est complet
sauf les grandes plumes de la queue et des ailes. Son envol a lieu vers 70-80 jours. Son émancipation 40 à 60 jours plus tard, intervient au moment de partir en migration. La productivité moyenne varie entre 0,5 et 0,85 jeune par couple reproducteur en fonction des régions [bg66]. La maturité sexuelle semble atteinte vers trois ou quatre ans voire cinq, sa longévité est aux alentours de 20 ans.
Régime alimentaire
Spécialisé, il se nourrit presque exclusivement de reptiles, principalement des serpents, y compris venimeux contre lesquels il n’est pas immunisé, qui représentent 70 à 96% des proies. Les grandes couleuvres (jusqu’à 1m50) sont les plus recherchées mais toutes les espèces d’ophidiens sont concernées. Les lézards sont aussi capturés et dans la région méditerranéenne le Lézard ocellé (Lacerta lepida) est régulièrement consommé. Les autres proies observées en faible nombre comprennent des vertébrés (petits mammifères, batraciens, oiseaux) et des invertébrés (insectes, vers).
D’après plusieurs travaux l’estimation du nombre de serpents prélevés par un couple et son jeune pendant sa présence en Europe serait de 700-800 individus (maximum cité de 1500) [1]. La ration quotidienne moyenne d’un adulte est d’environ 160 g [3].
Etat des populations et tendances d’évolution des effectifs
Non globalement menacé, le statut de conservation européen du Circaète Jean-le-Blanc le classe dans la catégorie rare au regard de ses effectifs [bg2]. Il figure dans la catégorie rare de la liste rouge française [bg53] mais au vu des nouvelles données disponibles, il serait maintenant à classer dans la catégorie « à surveiller ». L’effectif européen, en dehors de la Russie et de la Turquie hébergeant chacun quelques milliers de couples, est compris entre 6 900 et 10 500 couples et se localise pour plus de la moitié en Espagne et en France [bg2].
En France les effectifs viennent d’être réévalués à la hausse avec 2400-2900 couples [bg66] ce qui représente un doublement de la précédente valeur affichée qui correspond à la fois à une meilleure estimation et à une progression numérique. Le XXe siècle a pourtant connu une disparition ou diminution sur la frange septentrionale de sa distribution nationale ne concernant qu’un nombre limité de couples (Bretagne, Orne, Champagne, Bourgogne, Franche-Comté, Lorraine, Vosges et Alsace). Aujourd’hui le Circaète se reproduit dans 53 départements dont les deux tiers comptent moins de 20 couples.
Menaces potentielles
La dégradation des milieux ouverts et l’abandon de l’agropastoralisme représentent une menace importante pour les territoires de chasse du Circaète. Si dans un premier temps, exode rural et déprise agricole favorisent les reptiles par l’enfrichement qui en découle, la fermeture des milieux qui s’ensuit leur devient défavorable à terme. Sur les sites de reproduction, les travaux forestiers et les activités de loisirs non maîtrisées peuvent être causes de perturbations, d’abandon ou de destruction des nids. De nombreux cas de mortalité causés par les câbles électriques ont été recensés, particulièrement en plaine où les pylônes constituent les seuls perchoirs. Les incendies forestiers estivaux répétés et leur ampleur détruisent régulièrement des nids ce qui est préjudiciable
pour une espèce qui n’élève au mieux qu’un seul jeune par an. La destruction directe des individus semble devenue marginale en France, mais le long des voies migratoires et sur les lieux d’hivernage les tirs seraient encore nombreux.
Propositions de gestion
Tous les encouragements à une agriculture extensive ainsi qu’à l’agencement en mosaïque des milieux ouverts sont des facteurs favorables. En milieu forestier, la conservation de pins tabulaires et le respect des arbres porteurs d’aires ainsi que de leur environnement proche (sous forme d’îlots de bois adultes) sont à promouvoir, l’oiseau demeurant extrêmement fidèle à son site de reproduction. L’adaptation du calendrier de la gestion forestière, en stoppant coupes et travaux dans un périmètre de 200-300 m autour du nid de mars à août, optimise le succès entre le cantonnement du couple et l’envol de l’unique poussin. La neutralisation du réseau de transport électrique (visualisation des câbles, neutralisation des poteaux dangereux ou enfouissement des lignes) dans les sites sensibles diminue la mortalité.
Etudes et recherches à développer
C’est principalement sur les conditions de vie dans les zones d’hivernage africaines que les études font défaut. Le programme de marquage, actuellement conduit dans le Parc National des Cévennes devrait être étendu pour suivre la dynamique des populations. Les recherches bénévoles du groupe « Circaetus » (structure informelle de la LPO/FIR) méritent d’être encouragées et soutenues car elles permettent un suivi de la distribution et des effectifs sur la plupart des régions habitées par le Circaète en France. Il faudrait aussi approfondir les connaissances sur l'évolution du nombre d’oiseaux estivants (immatures ou adultes non nicheurs).
Bibliographie
1. JOUBERT, B. (2001).- Le Circaète Jean Le Blanc. Eveil Nature, Saint-Yrieix-sur-Charente. 72 p.
2. ONF (2000).- Observatoire du patrimoine naturel des réserves biologiques. Analyse et bilan de l’enquête 1999. Office National des forêts – Direction Technique – Aménagement, Sylvicultures et Espaces naturels. 226 p. + annexes.
3. PETRETTI, F. (1988).- Notes on the behaviour and ecology of the Short-toed Eagle in Italy. Le Gerfaut 78: 261-286.
4. THIOLLAY, J.M. (1989).- Distribution and Ecology of Palearctic Birds of Prey Wintering in West and Central Africa. In MEYBURG, B.U. & CHANCELLOR, R.D. - Raptors in modern World. Proceeding of the III World Conference on Birds of Prey and Owls. ICBP, IUCN/SSC, WWGBP, Berlin, London, Paris. 95-107 p.
5. URCUN, J.P. & KABOUCHE, B. (2003).- La migration postnuptiale du Circaète Jean-le-Blanc Circaetus gallicus à travers les Pyrénées. Alauda 71(2): 119-132.
Source : Cahiers d'habitats "Oiseaux", sous presse, La Documentation française
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