Description de l’espèce
Rapace de la taille d’un grand faucon, que l’on ne peut réellement confondre - en Europe - avec aucune autre espèce. L’adulte présente une coloration générale gris pâle sur le dos, les ailes et la queue. La tête et les parties inférieures sont blanches. Les épaules et le dessous des rémiges primaires sont noirs. Chez l’adulte, la cire du bec et les pattes sont jaunes, l’oeil rouge. Le jeune se distingue par les plumes du dos des ailes et des couvertures bordées de blanc, des marques brunâtres sur la calotte et la poitrine. Le vol de l’Élanion blanc est typique : il fait fréquemment un vol stationnaire à la manière du Faucon crécerelle Falco tinnunculus, tandis que son vol battu, assez aérien, les ailes relevées, rappelle un peu celui des busards Circus spp. Il n’existe pas de dimorphisme sexuel chez cette espèce. Celle-ci est polytypique. Il existe une mue complète postnuptiale, dont la date dépend de la période de ponte (l’espèce ayant une répartition très vaste et niche, en fait, en toute saison). Elle débute par les rémiges primaires (de manière descendante) et semble très variable d’un individu à l’autre. A trois mois et demi environ, le jeune entame, lui aussi, une mue complète qui démarre par les rémiges primaires. Elle se poursuit par les autres plumes de vol et les rectrices [bg7]. Comme la plupart des rapaces, l’Élanion blanc n’est pas très vocal. D’ordinaire silencieux, il pousse parfois des cris aigus (JCR, CD1/pl.78).
Longueur totale du corps : entre 31 et 36 cm. Poids : environ 230 g.
photo : Christian Aussaguel ©
Répartition géographique
Il existe quatre sous-espèces d’Élanion blanc. La sous-espèce nominale se reproduit dans la péninsule Ibérique et en France, ainsi que dans la plupart des pays d’Afrique et dans le sud-ouest de la péninsule Arabique. Les autres sousespèces nichent de l’Inde et du sud de la Chine jusqu’à la Nouvelle-Guinée [bg14]. L’Élanion blanc n’est pas réellement migrateur, mais peut s’adonner à un certain nomadisme, parfois très loin des sites de reproduction traditionnels. C’est le cas en Europe où des oiseaux s’observent de plus en plus régulièrement dans le nord-ouest et le centre du Continent.
En France, l’espèce est un nicheur relativement récent : installé depuis le début des années 1980, le premier succès de reproduction a eu lieu en 1990 [4]. Cela s’est produit en Aquitaine à la suite de l’expansion marquée de ce rapace en Espagne observée depuis une trentaine d’années [1]. L’Élanion niche à présent en petit nombre, dans le sud-ouest de la France (Landes, Pyrénées-atlantiques), avec un cas isolé et sans suite en Lozère en 1998 [5] et dans le Rhône en 2005.
Par ailleurs, l'espèce est observée occasionnellement le long du littoral méditerranéen, du littoral Atlantique, dans l'est du pays, en Normandie (où un couple s'est même cantonné) et dans l'Aisne [3 ; bg19].
Biologie
Ecologie
L’Élanion blanc fréquente en Europe des paysages de cultures ouverts, parsemés d’arbres ou de boqueteaux alternant avec des zones de pâturages. Sa densité la plus élevée se rencontre dans l’ouest de l’Espagne et le centre du Portugal, dans les paysages de « déhesas » (vastes plantations claires de chênes verts et/ou de chênes lièges qui alternent avec des cultures [bg44]. En Afrique, c’est typiquement une espèce de savane.
Comportement
L’espèce possède un comportement assez erratique, se déplaçant parfois sur de longues distances, sans que l’on puisse parler de migration. En France, le cantonnement est très précoce, dès la fin de l’hiver ; l’espèce y est par ailleurs pratiquement sédentaire. L’erratisme peut se produire à n’importe quel mois de l’année, mais en France, 42% des données d’observation effectuées en dehors de la zone de reproduction ont lieu les mois d’avril et de mai [3]. En général, les individus se déplacent seuls ou par couples, mais en Afrique, ils peuvent se rassembler en grands groupes (notamment en dortoirs), comptant jusqu’à plusieurs centaines d’individus [bg14].
Reproduction et dynamique des populations
La reproduction est engagée dès fin février dans le sud de l’Europe. En France, 80% des pontes sont déposées avant le 25 mars [2]. Cependant des reproductions estivales, voire automnales ont été constatées (octobre, novembre) y compris en France. L’espèce est monogame, et le couple semble perdurer au-delà de la saison de reproduction. Le domaine vital a été estimé en Aquitaine entre 900 et 1 800 ha par couple, cette estimation englobant une surface importante défavorable et inexploitée (maïs). Au Maroc, ce domaine vital est de 350 à 480 ha par couple et en Estrémadure (Espagne), six couples sont présents sur 18 km2 [bg66]. Le nid est construit sur la branche d’un arbre, en hauteur. Un nid est bâti chaque année, mais le même arbre peut être utilisé d’une année sur l’autre. Les deux adultes participent à son élaboration, le mâle apportant surtout les matériaux et la femelle construisant. Trois à quatre oeufs blanc, mâchurés de brun sombre sont déposés, puis couvés principalement par la femelle pendant 26 jours en moyenne. A la naissance, les jeunes, nidicoles, sont couvés par la femelle. Le mâle apporte les proies et la femelle nourrit les poussins. Par la suite, les deux adultes partent en chasse, mais seule la femelle continue à nourrir les jeunes jusqu’à ce qu’ils puissent le faire eux-mêmes. L’envol se produit généralement 30 à 35 jours après la naissance [bg7]. Plusieurs pontes peuvent être entreprises successivement quel que soit le succès des précédentes. En Aquitaine, cinq pontes avec réussite totale ont été relevées en 14 mois [bg66]. Le nombre de jeunes produits annuellement est de 2,23 par couple en Aquitaine et de 1,9 en Estrémadure (Espagne)
[bg66]. Aucune donnée sur le taux de survie et la durée de vie n’est disponible dans la littérature.
Régime alimentaire
L’espèce se nourrit surtout de petits rongeurs, mais également d’insectivores (musaraignes), de petits oiseaux, de reptiles et d’insectes capturés en vol. Les proies sont capturées à la suite de vol sur place. Il arrive fréquemment que les proies soient consommées en vol [bg7]. Les proies capturées en Aquitaine, identifiées dans les pelotes de réjection, se composaient essentiellement de micromammifères (61% de campagnols, 15% de musaraignes, 10% de mulots et 13,5% d’oiseaux [4]).
Etat des populations et tendances d’évolution des effectifs
En Europe, l’espèce occupe une aire de distribution restreinte. Bien qu’en cours d’expansion, son statut est considéré comme « rare » en raison de la faiblesse des effectifs (<10 000 couples nicheurs [bg2]). La population européenne estimée est comprise entre 810 et 2 000 couples. Entre 500 et 1 000 nichent en Espagne [bg44], 300 à 1 000 au Portugal, tandis que 13 couples (six reproducteurs) se trouvent en France. Ces trois populations sont en augmentation, bien que modérée pour la période 1990-2000. Les données recueillies depuis plus de 20 ans par le Comité d’Homologation National (CHN) et par le suivi des Oiseaux nicheurs rares en France mis en place par la LPO [bg56], montrent un accroissement des observations en dehors de leur aire de reproduction actuelle. Le nombre de couples continue à augmenter lentement en France, sans véritable extension de l’aire géographique.
Menaces potentielles
L’agriculture intensive, avec les modifications paysagères qu’elle entraîne (coupe de boqueteaux, arasement de haies, etc.) pourrait se révéler, à terme, néfaste pour l’espèce. Le dérangement occasionné lors de l’observation ou la prise de photographie de ce rapace très recherché représente également une menace réelle. Dans le cas de reproduction automnale, fréquente chez cette espèce, la chasse put constituer une source de dérangement supplémentaire.
Propositions de gestion
L’avenir de l’espèce en Europe dépend surtout de celui de la politique agricole dans la péninsule Ibérique, qui demeure le pays d’origine des oiseaux de la population française. Une politique d’intensification de l’agriculture y serait nuisible à l’espèce. En France, il y a nécessité de conserver les milieux ouverts où l’espèce se reproduit dans leur physionomie actuelle (boqueteaux, haies), en incitant les agriculteurs, par des mesures agri-environnementales, à maintenir une diversité de pratiques dans les parcelles cultivées. Par ailleurs, la discrétion concernant la localisation des sites de reproduction est nécessaire pour empêcher un dérangement qui pourrait faire échouer toute nouvelle implantation comme ce fut le cas dans le Marais Vernier en Normandie [A. CHARRIER, comm. pers.] et plus récemment encore dans le Rhône.
Etudes et recherches à développer
L’espèce est bien suivie en Aquitaine par les ornithologues locaux. Le monitoring est donc tout à fait correct. Dans un avenir plus lointain, il conviendrait d’élargir ce suivi au milieu de vie de cette espèce soumis d’une part à une modification du milieu en Espagne et en France et d’autre part au réchauffement climatique actuel.
Bibliographie
1. FERRERO, J.J. & ONRUBIA, A. (1998).- Expansión del área de cría y distribución actal del Elanio Azul Elanus caeruleus en España. In MEYBURG, B.U., CHANCELLOR, R.D. & FERRERO, J.J. (Eds.). - Holarctic Birds of Prey. World Working Group on Birds of Prey-ADENEX, Belin-Mérida. 159-171 p.
2. GRANGÉ, J.L. (2002).- Liste commentée des oiseaux des Pyrénées-Atlantiques et du sud des Landes. Le Casseur d’Os. Revue du GOPA, Groupe Ornithologique des Pyrénées et de l’Adour 2: 84-132.
3. GRANGÉ, J.L. (2003).- L’erratisme de l’Élanion blanc Elanus caeruleus en France au cours du XXe siècle. Ornithos 10(3): 110-115.
4. GUYOT, A. (1990).- Première nidification réussie en France de l’Élanion blanc (Elanus caeruleus). Nos Oiseaux 40(8): 465-477.
5. MALTHIEUX, L. & ELIOTOUT, B. (1999).- Nidification de l’Élanion blanc Elanus caeruleus dans les Grands Causses en 1998. Ornithos 6(1): 50-52.
Source : Cahiers d'Habitats "Oiseaux", sous presse, La Documentation française
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