Description de l’espèce
Le Vautour percnoptère adulte se caractérise par un plumage noir et blanc et une tête allongée d’aspect ébouriffée. La face est dénudée, jaune à orangée avec un bec fin noirâtre. Aucun dimorphisme sexuel ne permet de différencier facilement les mâles des femelles, à l’exception d’une bande sombre sur la peau nue de la tête des mâles présente en été, et des plumes lancéolées presque toujours dressées sur la tête pendant la période de reproduction.
Les jeunes se distinguent des adultes par leur plumage plus sombre. Le plumage adulte définitif est acquis vers la 5e/6e année. En raison des variantes individuelles dans les livrées intermédiaires, il est difficile de mettre en relation un âge précis avec une livrée.
En vol, ce rapace est facile à reconnaître. Son plumage blanc contraste avec les plumes de vol noires, à l’instar d’une Cigogne blanche (Ciconia ciconia). Sa queue plutôt courte et cunéiforme, sa tête jaune-or et pointue et son vol plané élégant permettent de l’identifier aisément. Il possède de très longues et larges ailes, presque rectangulaires, avec des rémiges digitées. Sa tête ressort nettement du bord d’attaque des ailes. Les pattes et les serres, de couleur claire, sont peu puissantes. Le bec est long, droit et fin, avec une extrémité noire et recourbée. En vol plané circulaire, il tient souvent les ailes faiblement incurvées ou horizontales. En vol battu, les mouvements des ailes sont assez rapides, souples et amples. Il ne dépend pas des ascendances thermiques comme les autres espèces de vautours. La mue des couvertures a lieu entre juin et septembre. Les rémiges muent entre juillet et septembre [bg7]. Silencieux, il émet un faible piaillement lors des vols nuptiaux ; il lance occasionnellement des sifflements ou des
trilles comme une roulade accélérée (JCR, CD1/pl.67).
Longueur totale du corps : 60-75 cm. Poids : 2000-2500 g.
photo : David Fajardo ©
Répartition géographique
Il se distribue dans la partie sud du Paléarctique occidental, dans une grande partie de l’Afrique au nord de l’équateur, sur la péninsule Arabique, dans le sud-ouest et le sud de l’Asie. Dans ce dernier cas, il s’agit alors de la sous-espèce ginginianus, au bec jaune et non pas noir. Dans l’archipel des Canaries vit la sous-espèce majorensis [2 ; bg14]. Il trouve en France une des limites septentrionales de son aire de répartition. Sa distribution, inégale, limitée à la basse et moyenne montagne, s’étend des Pyrénées à la Provence avec seulement quelques couples isolés dans le sud du Massif central. Sa distribution ne dépasse pas le département de l’Ardèche au nord [5]. Migrateur dans presque toute la région paléarctique, il passe l’hiver en Afrique sub-saharienne. Les populations insulaires des Canaries et de l’île de Minorque aux Baléares sont sédentaires.
Biologie
Ecologie
Le Vautour percnoptère occupe les paysages rocheux de moyenne montagne aux versants dénudés sans grande dénivellation ainsi que des vallées bien dégagées où il peut repérer facilement les petites carcasses dont il se nourrit, de préférence à l’écart des voies de communication. Dans les Grands Causses, il est peu observé sur les charniers principaux situés à proximité des colonies de vautours fauves et moines. Les contacts sont par contre plus nombreux sur les charniers légers du causse du Larzac. Il fréquente les charniers lourds ainsi que les points de gagnages où la nourriture est abondante mais qui sont situés à moins de 30-40 km du nid.
Le percnoptère cherche sa nourriture en prospectant les milieux semi-ouverts, les bordures des marais, les steppes, les dépôts d’ordures, les bords de routes, voire les périphéries d’agglomération. Il évite les zones forestières. Des dortoirs existent dans les Pyrénées-Atlantiques et peuvent regrouper plusieurs dizaines d’oiseaux. Les vautours percnoptères s’y concentrent au crépuscule, perchés sur des arbres alentours.
Comportements
Il ne revient en France que le temps de la reproduction, de mi-mars à début septembre, voire jusqu’à la mi-octobre dans de rares cas. La migration d’automne commence dès que les jeunes sont sortis des nids et savent voler. Dans les Grands Causses, les dates de départ sont classiquement situées dans la deuxième quinzaine d’août, voire début septembre. Les passages ont lieu de la mi-juillet à la mi-octobre à Gibraltar, de fin août à octobre au Bosphore. Les immatures sont rarement observés sur les lieux de reproduction européens. Ils demeurent erratiques en Afrique et ne réapparaissent bien souvent que lorsqu’ils atteignent la maturité sexuelle à quatre ou cinq ans [bg7].
Les parades aériennes sont spectaculaires et commencent dès le retour de la migration. Le couple fait des piqués et des plongeons avec une aisance étonnante pour leur taille et se retournent sur le dos en présentant leurs serres en vol. Il explore longuement son terrain de chasse, volant souvent à 10-30 m de haut seulement. Sa vue excellente lui permet de repérer des aliments mesurant de quatre à huit centimètres de long à une distance de un kilomètre. Il vole à faible altitude et scrute de façon intense la zone survolée ou à haute altitude, surveillant ainsi les autres charognards. Il chasse également à l’affût sur un reposoir dominant une zone d’alimentation ou marche sur les pâturages, dépotoirs et berges de cours d’eau.Lorsqu’ils sont présents, il laisse les corvidés et les autres vautours sur un cadavre qui consomment les parties tendres et ouvrent la carcasse. Il grappille ensuite de menus morceaux en zigzagant entre les grands vautours. Il est la seule espèce de rapace à utiliser des outils, tels qu’une pierre tenue dans le bec, pour casser des oeufs.
Reproduction et dynamique des populations
Il niche surtout en falaise calcaire, très souvent dans une cavité bien abritée, aux abords immédiats d’une vallée et le plus souvent en position altitudinale inférieure à ses territoires de prospection. Il peut disposer de plusieurs aires, qui seront toutes visitées à l’occasion des manifestations territoriales qui suivent l’arrivée et l’installation du couple. Le territoire défendu de façon active par le couple est en moyenne de 15 km2. En général, il réutilise chaque année la même falaise et la même cavité de nidification.
Les couples sont fidèles à vie, les partenaires ne sont remplacés qu’à la mort de l’un d’eux. Ils peuvent vivre en colonie, mais nichent le plus souvent par couples isolés. Le nid est souvent placé sous un rocher en surplomb dans une petite grotte dans la paroi d’une falaise entre 400 et 1300 m d’altitude dans les Pyrénées, entre 130 à 950 m en Provence. L’aire est construite par les deux partenaires, construction sommaire de branches d’arbustes sèches et de morceaux de bois mélangés avec des os et des crânes
d’animaux, des peaux, plumes...
La ponte intervient en général en avril et compte entre un et trois oeufs blanc sale, parfois unis, mais souvent tachés de brun. L’éclosion survient après environ 42 jours d’incubation assurée par les deux adultes [bg7]. Les deux poussins sont de taille très distincte et en général, le plus jeune meurt, mais le phénomène de caïnisme tel qu’observé chez d’autres rapaces, ne semble pas exister chez le percnoptère. Les conflits entre les jeunes semblent rares. Ils restent au nid de 90 à 95 jours et sont encore nourris quelques jours après l’envol. Le succès de la reproduction est assez faible, une proportion non négligeable de couples ne produisant aucun poussin. En 2006, sur 63 couples recensés, 54 se sont reproduits avec succès et ont donné 48 jeunes à l’envol, soit une productivité de 0,76 et un succès de reproduction de 0,85 [5]. L’âge de maturité est de quatre/cinq ans. La longévité maximale est de 11 ans.
Régime alimentaire
Charognard, le régime est déterminé par la taille et la nature des aliments disponibles : restes de viande, lambeaux de peau ou de viscères. Contrairement aux grands charognards, le bec mince et effilé du percnoptère l’empêche d’inciser et de découper le cuir des mammifères, ce qui limite son rôle d’équarrisseur aux parties molles et aux petites proies. Il se nourrit également d’amphibiens, de reptiles ou de petits mammifères écrasés sur les routes, de fruits ou de légumes sur les décharges. L’espèce est également très coprophage. Elle ingère les matières fécales qui adhèrent à la peau du bétail et consomment les excréments dispersés sur les pâturages.
Etat des populations et tendances d’évolution des effectifs
Le Vautour percnoptère est considéré comme menacé, tant au niveau mondial, qu’au niveau européen (en danger [1 ; bg2]) en raison de déclins atteignant plus de 50% dans certains pays. L’effectif mondial est très mal connu (de l’ordre de 100 000 individus), une part importante, mais inconnue, étant concentrée en Inde et au Pakistan [bg21]. La population européenne compte 3 500 à 5 600 couples [bg2], dont 1 800-2 050 couples en Europe de l’Ouest, avec 1 480 couples en Espagne [bg66]. Il survit en très faible nombre en Italie [4].
En France, l’espèce est considérée comme vulnérable [bg53]. Jusqu’au XIXe siècle, le Vautour percnoptère était présent sur tout le massif pyrénéen et les départements méditerranéens, et occupait le sud de la vallée du Rhône jusqu’en Ardèche. Il a subi un déclin sensible au cours du XXe siècle et la disparition des couples autrefois présents dans les Pyrénées orientales et les massifs languedociens a laissé les effectifs méditerranéens isolés jusqu’il y a peu [bg19]. Entre le début des années 1960 et le milieu des années 1980, le nombre de couples présents dans le parc naturel régional du Lubéron a diminué de 75%. Sur le pourtour méditerranéen (régions Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes et PACA), la population était estimée à au moins 60 couples au milieu du XXe siècle, pour chuter à 26-29 couples en 1979, 17-19 en 1994 et 15-18 à l’heure actuelle [6]. La population nationale a ensuite augmenté légèrement dans les années 90 jusqu’à des effectifs de 65 couples reproducteurs en 2004, pour arriver à un tassement de la progression les dernières années (64 couples en 2005, 63 en 2006 [6]). Globalement, la distribution, qui évolue peu, reste pour l’essentiel occidentale, mais les deux populations, méditerranéennes et Pyrénéennes, semblent maintenant reliées entre elles par quelques couples installés dans le Languedoc.
Un retour vers d’anciens sites historiques (par exemple Verdon) où il y a d’autres espèces de vautours, est aussi à noter.
Menaces potentielles
Les menaces identifiées dans le plan de restauration national [5] sont :
· L’appauvrissement et la destruction des habitats, provoqués par l’abandon des activités pastorales et la mutation des sols.
· Une moindre disponibilité des carcasses d’animaux domestiques : l’arrêt de la transhumance en Provence est probablement en grande partie responsable du recul des populations provençales.
· L’empoisonnement : les poisons utilisés pour lutter contre les rongeurs, les petits et grands carnassiers, comme les traitements appliqués aux troupeaux (lutte contre les parasites externes ou internes) s’accumulent soit dans les cadavres d’animaux, soit dans les déjections, et sont alors consommés par les vautours, pouvant occasionner la mort des vautours. Les produits chimiques industriels comme les PCBs, et les pesticides comme le DDT (toujours utilisés en Afrique) peuvent également avoir des conséquences sur leur stérilité [3].
· La destruction directe des oeufs, des jeunes et des adultes (à des fins de collection, chasse, etc.) a contribué au déclin de l’espèce.
· L’appauvrissement de la chaîne alimentaire en général occasionne une baisse des ressources en nourriture pour les vautours percnoptères.
· La mortalité liée aux infrastructures (collisions ou électrocutions) limite l’expansion de l’espèce.
· Les dérangements liés à l’augmentation des activités de loisir peuvent être la cause d’échec dans la reproduction.
Propositions de gestion
Le plan de restauration national [5], lié au programme LIFE, identifie les mesures de gestions suivantes jugées comme prioritaires pour permettre à l’espèce de conforter sa population nicheuse :
· Restaurer les habitats des vautours percnoptères et favoriser le retour de l’espèce sur l’ensemble de son aire originelle de répartition en France. La mise en place de mesures agri-environnementales, comme cela est pratiqué dans le parc naturel régional du Lubéron, permet de limiter la fermeture des milieux. La mise à disposition d’équipements spécifiques indispensables à la gestion des surfaces pastorales y contribue également à maintenir les paysages ouverts (débroussaillement de parcours à des périodes limitant les impacts, remise en culture de prairies fourragères, construction ou reconstruction de bergeries communales et abris de bergers, citernes et points d’eau…).
. Assurer la tranquillité sur les sites de nidification.
· Mettre en place des actions d’information et de sensibilisation.
· Favoriser la coopération internationale dans le cadre d’études et de programmes de conservation des vautours percnoptères.
La mise en place d’aires de nourrissage, comme dans la Crau, dans la vallée de la Durance et dans la vallée du Verdon entre 1979 et 1980, ainsi qu'en Ardèche, dans le Gard et l'Hérault, permet d’assurer un complément de nourriture dans les secteurs où elle manque.
Un programme de réintroduction du Vautour percnoptère pour renforcer la petite population du sud-est est actuellement en cours. Les oiseaux relâchés proviendront d’un programme de reproduction en captivité mené par le parc naturel régional du Luberon.
Pour la réduction de la mortalité sur le réseau électrique, la démarche actuelle conduisant à l’identification des lignes les plus meurtrières en vue de leur enfouissement, est basée sur la découverte aléatoire des cadavres d’oiseaux.
Etudes et recherches à développer
Un suivi de l’évolution du nombre de couples nicheurs est nécessaire afin de pouvoir intervenir à temps sur les problèmes pouvant être rencontrés sur les nouveaux sites de nidification. Ce suivi, ainsi que le baguage des jeunes au nid, développé récemment dans les Pyrénées, permet de suivre l’évolution de la population, les taux de recrutement, les échanges entre populations et la dispersion des jeunes oiseaux.
Une prospection systématique sous les lignes du réseau électrique, corrélée à une meilleure connaissance de l’occupation de l’espace, permettrait de mieux hiérarchiser les priorités en matière d’enfouissement. Enfin, il est primordial de coordonner un réseau de vigilance toxicologique et d’investir dans la recherche des substances causant chaque année la mort de plusieurs individus [3].
Bibliographie
1. BIRDLIFE INTERNATIONAL (2007).- Species factsheet : Neophron percnopterus. Downloaded from http://www.birdlife.org.
2. GENSBOL, B. (2005).- Guide des rapaces diurnes. Europe, Afrique du Nord et Moyen-Orient. Les Guides du Naturaliste Delachaux & Niestlé, Paris. 403 p.
3. GOMARA, B., RAMOS, L., GANGOSO, L., DONAZAR, J.A. & GONZALEZ, M.J. (2004).- Levels of polychlorinated biphenyls and organochlorine pesticides in serum samples of Egyptian Vulture (Neophron percnopterus) from Spain. Chemosphere 55(4): 577-583.
4. LIBERATORI, F. & PENTERIANI, V. (2001).- A long-term analysis of the declining population of the Egyptian vulture in the Italian peninsula : distribution, habitat preference, productivity and conservation implications. Biological Conservation 101(3):381-389.
5. LPO (2008).- Vautour percnoptère. Site Internet : http://percnoptere.lpo.fr/index.html.
6. RIEGEL, J. & LES COORDINATEURS ESPECES (2007).- Les oiseaux nicheurs rares et menacés en France en 2005 et 2006. Ornithos 14(3): 137-163.
Source : Cahiers d'Habitats "Oiseaux", sous presse, La Documentation française