Hibou des marais, Asio flammeus (Pontoppidan, 1763)
Synonyme : Hibou brachyote
Classification (Ordre, Famille) : Strigiformes, Strigidés
Description de l’espèce
Le Hibou des marais est un hibou de taille moyenne aux ailes plutôt longues et étroites, à la tête assez petite et ronde. Les aigrettes sont très réduites et très peu visibles. Les yeux sont jaunes, très expressifs comme chez beaucoup de rapaces nocturnes. Sa livrée est assez claire, brun jaunâtre. Le ventre est clair et la poitrine rayée. Les oiseaux juvéniles présentent un plumage duveteux, surtout sur le dessous et les contours du masque facial.
Le dimorphisme sexuel n’est pas très marqué, mais les mâles ont en général le dessous et la face plus clairs et moins rayés, et les femelles sont sensiblement plus lourdes et d’envergure très légèrement supérieure.
En vol, le dessous des ailes apparaît très clair.
Les adultes effectuent une mue complète annuelle post-nuptiale qui commence dès les mois de mai-juin par la mue des primaires et se termine de fin septembre à mi-octobre (Crampet al., 1998). Les juvéniles effectuent une mue partielle qui commence à partir de la quatrième semaine et qui s’échelonne jusqu’à la septième. Cette mue concerne les grandes couvertures primaires et tertiaires, le manteau et les scapulaires, la nuque, la poitrine et la calotte. La majorité des jeunes oiseaux atteint une apparence adulte vers le mois d’août, quelques plumes continuant de pousser jusqu’en octobre (Crampet al., 1998).
Le Hibou des marais dispose d’un répertoire vocal relativement limité qu’il utilise tout au long de l’année, mais essentiellement lors de la nidification. Lors des vols de parade nuptiale, le mâle surtout, effectue des planés avec des claquements d’ailes sonores répétés. Le chant du mâle consiste en une série répétée de syllabes assez sourdes. Les cris d’alarmes sont divers, mais consistent souvent en une série rapide de cris brefs (Tous les oiseaux d’Europe, Jean-Claude Roché, CD n° 3, plage n° 13).
Longueur totale du corps : 37 à 39 cm. Poids : 300 à 425 g en moyenne (les oiseaux nordiques, Sibériens notamment sont généralement un peu plus lourds).
Difficultés d’identification (similitudes)
Essentiellement en vol, ou l’espèce peut être confondue avec le Hibou moyen-duc (Asio otus). Néanmoins, le Hibou des marais à des ailes plus claires, la queue plus grossièrement et moins densément barrée, le bord postérieur des ailes blanc, le dessus de la main beaucoup plus clair et seulement barré de deux ou trois barres terminales larges (4-5 étroites chez le moyen-duc). Le type de vol est différent, avec une amplitude plus lâche et des battements d’ailes calmes avec les ailes paraissant raides. Le Hibou des marais plane souvent avec les ailes relevées. Posé et dans de bonnes conditions, la couleur de l’iris, l’expression faciale ainsi que la taille des aigrettes permettent une distinction aisée. Il est à noter que le Hibou des marais est souvent actif de jour.
Répartition géographique
La répartition du Hibou des marais est holarctique, avec une aire majoritairement circumpolaire. Il existe une population discontinue sud Américaine qui rejoint les tropiques (Hawaï, les Galápagos…), probablement dérivée des longues migrations et mouvements de dispersions assez typique de cette espèce « nomade ».
Le Hibou des marais est une espèce polytypique, la sous espèce nominale flammeus occupant la majorité de l’aire de répartition avec l’Eurasie et l’Amérique du nord. En Europe, elle niche surtout dans les régions septentrionales : en Russie, en Finlande, en Scandinavie, en Biélorussie, et au nord des Iles britanniques (Hagemeijer & Blair, 1997 ; Del Hoyo et al., 1999). En hiver, ces oiseaux migrent plus ou moins loin vers le Sud, selon les rigueurs hivernales et la disponibilité en proies (Mikkola, 1984 ; Cramp et al., 1998).
La France se trouve en limite méridionale de l’aire de répartition. (Cantera, 2004 ; Dubois et al., 2000). Les principales zones de reproduction régulière sont situées dans le Marais Breton, le Nord-Pas-de-Calais, l’Alsace et le Massif central.
En période hivernale, on peut supposer qu’une partie des oiseaux qui stationnent en France provient de la population fenno-scandinave, comme l’attestent les quelques reprises de bagues. Les principales observations se font le long du littoral Atlantique et de la Manche, également en Camargue et en Crau, en Lorraine, et dans une grande partie du centre de la France, au gré des afflux lors des vagues de froid ou suite à des saisons de reproduction à forte production démographique.
Biologie
Ecologie
En période de reproduction, le Hibou des marais affectionne particulièrement les zones ouvertes, les prairies humides, les marais et les grandes steppes herbeuses. La sélection de l’habitat de nidification dépend surtout de l’abondance et de la disponibilité des proies. En Europe, l’espèce ne se rencontre guère à plus de 650 m d’altitude. En hiver la sélection de l’habitat est aussi essentiellement dépendante de l’abondance des proies, ce qui explique que l’on peut retrouver l’espèce aux abords de zones cultivées.
Comportement
Le brachyote possède des mœurs assez diurnes pour un hibou. En période de reproduction, l’activité diurne peut représenter jusqu’à 65% du cycle circadien des oiseaux. En hiver, il est très courant d’observer un hibou des marais chassant en plein jour.
Les populations les plus nordiques sont migratrices strictes. Ailleurs, les hiboux des marais sont migrateurs partiels. Il est à noter que cette espèce présente un nomadisme marqué durant toute l’année, si bien que les apparitions en France peuvent se produire pendant toute l’année. Les mouvements observés sont essentiellement dirigés vers l’Ouest et le Sud. Une partie des migrateurs entreprend la traversée du Sahara. Des afflux considérables entraînent des populations vers l’Europe occidentale et du sud, dont une partie peut y rester pour s’y reproduire lorsque la densité de proies y est importante (Cramp et al., 1998).
Reproduction et dynamique des populations
Le couple n’est apparié que pour une saison de nidification, les oiseaux étant peu fidèles. Les mâles sont essentiellement monogames. Cependant, des tailles de pontes importantes ont pu être attribuées à deux femelles (Mikkola, 1984).
L’espèce pond essentiellement de mi-avril à début juin. Quelques cas de pontes automnales et hivernales ont pourtant été exceptionnellement rapportés (Mikkola, 1984).
Le nid est sommaire, composé d’une excavation souvent dans la végétation que la femelle garnit de quelques débris végétaux. La taille des pontes est de 4 à 8 œufs, mais varie en fonction de l’abondance des proies (spécialement les campagnols Microtus sp.). L’incubation dure entre 24 et 29 jours, la femelle commençant à couver dès la ponte du premier œuf. Les éclosions sont donc étalées dans le temps.
Les poussins nidicoles sont pris en charge par la femelle qui continue de les couver les premiers jours. Les jeunes sont volants entre le 24ème et le 27ème jour, mais quittent le nid dès le 12ème au 17ème jour, restant alors à proximité souvent sous le couvert de la végétation.
Les oiseaux sont en âge de se reproduire dès leur première année.
Le succès de reproduction est très variable, et comme pour la taille des pontes, il dépend essentiellement de la disponibilité en proies. La prédation peut localement affecter le succès de reproduction (Lockie, 1965 ; Watson, 1972 in Crampet al., 1998).
La longévité maximale connue en conditions naturelles est de 20 ans et 9 mois (STAAV, 2001).
Régime alimentaire
L’espèce est strictement carnivore et se nourrit presque essentiellement de micromammifères (Microtinae essentiellement), particulièrement de petits rongeurs des milieux ouverts, et plus particulièrement du campagnol des champs (Microtus arvalis) (Cramp et al., 1998, Del Hoyo et al., 1999, König et al., 1999). Néanmoins, les oiseaux peuvent constituer une part non négligeable du régime alimentaire à certaines périodes de l’année, représentant jusqu’à 7% du régime alimentaire. Cette spécialisation apparaît opportune en période de nourrissage des jeunes ou lors de haltes migratoires (Glue, 1977). Le reste du régime alimentaire est plus anecdotique, avec quelques insectes (essentiellement des coléoptères), des crustacés (Ecrevisses), des reptiles (petits lézards Lacerta vivipara et Podarcis muralis), des amphibiens (Grenouille rousse Rana temporaria) ainsi que des gastéropodes (limaces…) et des vers de terre (Lumbricidae). La composition du régime alimentaire varie en fonction de la disponibilité spatio-temporelle des proies, notamment lors de pullulation de micromammifères (campagnol des champs essentiellement) qui constituent alors la majorité des espèces consommées (Caloin, 2003a).
Etat des populations et tendances d’évolution des effectifs
Le statut de conservation du Hibou des marais en Europe est provisoirement considéré comme défavorable en raison d’un déclin historique dans les années 1970-1990 à la suite duquel l’espèce se maintient à un niveau relativement faible (BirdLife International, 2004). La population était estimée entre 13 000 et 26 000 couples en 1997 (Hagemeyer & Blair, 1997). Elle a été revue à la hausse, 58 000 à 180 000 couples (BirdLife International, 2004), essentiellement répartie en Russie (50 000 à 150 000 couples), secondairement en Finlande (2 000 à 10 000 couples), Suède (1 500 à 4 200 c.), Norvège (1 000 à 10 000 c.), Grande-Bretagne (1 000 et 3 500 c.) et Biélorussie (500 et 3 000 c.). Ailleurs en Europe, le Hibou des marais est un nicheur rare, avec des effectifs reproducteurs très fluctuants, souvent liés aux stationnements post-hivernaux d’oiseaux d’origines Fenno scandinaves (Michelat, 1997). Les tendances à long terme sont difficiles à établir pour les populations nicheuses en marge de la répartition principale de l’espèce. Les fluctuations interannuelles y dépendent des fluctuations d’abondance des proies.
En France, la population hivernale subit de fortes variations d’une année à l’autre ; elle était évaluée dans une fourchette allant de 200 à 500 individus en 1997 (Kérautret in ROCAMORA & YEATMAN-BERTHELOT, 1999). Certains hivers, des afflux peuvent être constatés, comme durant l’hiver 2002-2003. Un effectif national minimum de 650 oiseaux avait été recensé (Caloin, 2003b ; FEUVRIER et al., 2005).
L’espèce reste en France un nicheur très rare aux effectifs très fluctuants (Dubois et al., 2000), estimés entre 10 et 100 couples en 1997 (Kérautret in ROCAMORA & YEATMAN-BERTHELOT, 1999). Son statut de conservation est considéré comme vulnérable (ROCAMORA & YEATMAN-BERTHELOT, 1999).
Menaces potentielles
Le Hibou des marais a décliné dans une partie de l’Europe notamment en France, principalement à cause de la perte et la dégradation de ses habitats, essentiellement par destruction et drainage des zones humides, des marais côtiers et intérieurs (en France, 50% des zones humides ont disparu en trente ans), la mise en culture, les plantations sylvicoles, les aménagements de loisirs (creusement d'étangs de pêche et de chasse) des prairies pâturées et des surfaces en herbe (ROCAMORA & YEATMAN-BERTHELOT, 1999).
Bien que moindres, l’impact du trafic routier et des campagnes d’empoisonnement des populations de micro-rongeurs ne doit pas être négligé (Glue & Korpimäki, 1997).
Propositions de gestion
Etant donné le caractère fluctuant de l’abondance et la large répartition de l’espèce en hiver, comme en période de reproduction, aucune mesure spécifique ne semble s’imposer en France.
Les mesures de gestion suivantes, bénéfiques à l’avifaune des milieux ouverts et aux rapaces, sont néanmoins favorables au Hibou des marais : protection des zones humides, maintien des landes et des prairies, notamment par l’application des pratiques agro-pastorales de conservation de ces habitats.
Il est nécessaire de proscrire l'utilisation de la bromadiolone et de tout autre poison dans les zones de présence de l'espèce en préférant la lutte biologique (favoriser les prédateurs naturels – renards, rapaces dont le Hibou des marais – et changer les pratiques agricoles en limitant la taille des parcelles et en maintenant et restaurant les haies) comme pratiquée dans certains secteurs de Franche-comté (GIRAUDOUX et al., 2002 ; INRA, 2001 ; Lidicker, 2000).
Etudes et recherches à développer
Des inventaires ont été récemment réalisés, notamment pour connaître le niveau des populations hivernantes qui présentent des afflux hivernaux et la population nicheuse. La population française semble tributaire des populations fenno-scandinaves, comme l’atteste les quelques reprises de bagues. Il serait intéressant d’étudier ce qui conditionne le maintien des petites populations locales (Marais Breton par exemple), la philopatrie, les taux de survie de ces oiseaux. En outre la mise en parallèle des pics et afflux de l’espèce en hiver avec l’évolution des populations de micro-rongeurs, Campagnols des champs surtout, semble intéressante pour expliquer l’évolution de ces phénomènes.
Vous pouvez retrouver cette fiche "Espèces", plus en détail, dans les Cahiers d'habitats Natura 2000 : Tome 8 Oiseaux, en cliquant sur le lien suivant : http://inpn.mnhn.fr/docs/cahab/fiches/Hibou-desmarais.pdf. |