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Hibou moyen-duc

Hibou moyen-duc Asio otus (Linné, 1758)

Classification (Ordre, famille) : Strigiformes, Strigidés

 

Description de l’espèce

Le Hibou moyen-duc est un rapace nocturne de taille assez modeste, un peu plus petit que la Chouette hulotte Strix aluco. Il se caractérise par ses yeux orangés remarquables et ses aigrettes érectiles très visibles, de 3 à 4 cm de longueur, qu’il peut rabattre presque complètement au repos ou en vol.

Le dessus du corps est roux jaunâtre à gris-brun fortement rayé et vermiculé de brun noir. Le disque facial blanc roussâtre est cerné de noir, avec au centre les sourcils blancs en forme de V, bien apparents. Les teintes et la forme des dessins du plumage peuvent significativement varier.

Le mâle est en général plus pâle que la femelle.

En vol, les ailes longues portent sur le dessus une zone jaunâtre à la base de la « main », contrastant avec les couvertures primaires et le bout de l’aile sombre.

Le jeune a un plumage très duveteux gris pâle barré de brun et porte un masque facial noir caractéristique.

La mue complète de l’adulte se déroule de septembre à décembre. Chez le juvénile, une mue partielle est observée entre mai et juillet, voire jusqu’en novembre (Cramp et al., 1998).

Les expressions vocales du Moyen-duc sont très variées et surtout entendues en période de reproduction. Les plus connues se traduisent par une série monotone de hululements doux et graves, émise par le mâle, territorial, entre février et début avril. La femelle l’accompagne par un chant d’une sonorité plus haute et plaintive. Les jeunes, facilement repérables, égrènent, le soir venu, des gémissements stridents incessants (cris de mendicité…). L’espèce se manifeste également par d’autres bruits « mécaniques » : soufflements et claquements du bec en cas d’alarme ou bien claquements des ailes produits surtout par le mâle au cours des vols nuptiaux (Tous les oiseaux d’Europe, J-C ROCHE, CD 3/ plage 12).

Longueur totale du corps : 35 à 39 cm. Poids 220 à 280 g (mâles) et 250 à 370 (femelles).

 

Difficultés d’identification (similitudes)

Le Moyen-duc peut-être confondu en particulier en vol avec le Hibou des marais Asio flammeus, de coloration, de taille et de silhouette presque identiques. Le dessous des ailes du Hibou des marais est cependant plus blanc avec le bout plus noir et il présente de larges barres à la queue. Posé, la distinction se simplifie : le Hibou des marais possède des aigrettes rudimentaires à peine visibles et ses yeux sont jaunes.

Le Moyen-duc peut éventuellement être confondu avec la Chouette hulotte, mais celle-ci est plus grande, plus trapue et a les yeux noirs.

 

Répartition géographique

Espèce polytypique, le Hibou moyen-duc présente une distribution holarctique. Des populations disjointes occupent les montagnes de l’Ethiopie et du centre-est de l’Afrique (DEL HOYO et al., 1999). L’aire de répartition de la sous-espèce nominale, otus, s’étend des Açores au Japon (DUBOIS et al., 2000) et déborde sur une partie des côtes marocaines, ainsi qu’en Algérie.

En France, le Moyen-Duc se reproduit sur l’ensemble du territoire, excepté dans une grande partie de la Bretagne et dans le sud-ouest. Il est peu répandu dans le sud-est et en Corse (DUBOISet al., op. cit.). Sa présence est reconnue du littoral jusqu’à 1 400 m en Alsace, 1 950 m dans les Alpes et 2 000 m dans les Pyrénées.

En hiver, sa présence est notée sur l’ensemble du territoire, présentant tout au plus un certain erratisme et une migration vers les fonds de vallées en montagne. Les oiseaux originaires des pays de l’Europe du Nord et de l’Est sont nettement migrateurs. Un grand nombre d’entre eux hiverne en France (YEATMAN-BERTHELOT & JARRY, 1991).

 

Biologie

Ecologie

Le Hibou moyen-duc fréquente principalement les zones rurales à bocages semi-ouverts comportant des petits bois et où se pratique une agriculture peu intensive. Cependant, il niche aussi dans les boqueteaux des grandes plaines agricoles (Beauce, Champagne). L’habitat préférentiel est constitué d’une forte proportion de prairies naturelles à végétation courte, de champs cultivés entrecoupés de bois, de boqueteaux, de haies hautes et d’arbres isolés. Les forêts largement clairiérées composées de feuillus ponctuées de résineux touffus sont également recherchées. En revanche, les grands massifs forestiers compacts semblent peu visités (MEBS & SCHERZINGER, 2006).

Le Moyen-duc niche essentiellement dans d’anciens nids de Pie bavarde Pica pica ou de Corneille noire Corvus corone situés de préférence dans un conifère entre 3 et 10 m de hauteur. Il est plus rare qu’il s’installe dans une ancienne aire de rapace, un nid d’écureuil, voire sur une plateforme de chêne ou de saule têtard. La reproduction dans les cavités des arbres ou au sol dans des dunes et des landes reste occasionnelle. L’occupation de nids artificiels est fréquente.

Comportements

En hiver, les Moyens-ducs se rassemblent pour constituer des dortoirs diurnes comptant en général 10 à 30 oiseaux, pouvant atteindre jusqu’à 100 à 200 individus. Les dortoirs peuvent se situer en ville dans des cimetières boisés, des parcs, des allées d’arbres ou dans des massifs forestiers, le plus souvent résineux (sapins et pins) (RUBOLINI, et al., 2003 ; MEBS & SCHERZINGER, op. cit.).

Après la saison des rassemblements, seule période de sociabilité marquée chez l’espèce, les couples s’isolent pour se cantonner dès février, voire en janvier. La période nuptiale s’étend jusqu’au début avril. Les couples se manifestent par des séries de chants territoriaux, des vols de parade, etc…

Après la reproduction, les jeunes émancipés se dispersent. Ils peuvent parcourir plusieurs centaines de kilomètres. Les populations du nord de l’Europe entreprennent de véritables migrations, les distances parcourues atteignent au maximum 2 300 kilomètres.

En France, la majorité des jeunes, comme les adultes, paraît sédentaire. Ils s’installent souvent pour nicher non loin de leur lieu de naissance, ou dans un rayon de 50 à 100 kilomètres (MEBS & SCHERZINGER, op. cit. ; KERAUTRET in YEATMAN-BERTHELOT & JARRY, 1994).

Le quotidien du Moyen-Duc consiste en une phase de repos diurne le plus souvent dissimulé dans des conifères et une seconde phase de forte activité au crépuscule, pendant une partie de la nuit et jusqu’à l’aube, essentiellement consacrée à la chasse.

Reproduction et dynamique des populations

Après avoir choisi un ancien nid de corvidés, la femelle le réaménage sommairement en réajustant quelques brindilles et en grattant la coupe. La période de ponte se situe entre fin février et fin avril, avec un pic en mars. Les œufs, au nombre de 4 à 6 (maximum 8), sont couvés par la femelle seule pendant 27 à 28 jours. Une seconde ponte semble très irrégulière. L’absence de ponte est un phénomène régulier en cas de disette alimentaire (Rodriguez et al., 2006). Les jeunes, très fragiles, sont constamment protégés par la femelle durant les douze premiers jours de vie. A trois semaines, ils dépècent seuls les proies et se déplacent dans les branches autour du nid avant de savoir voler.

La maîtrise complète du vol intervient à l’âge de cinq semaines, mais les nourrissages assurés par les parents se poursuivent encore pendant quatre semaines supplémentaires.

Monogame à union saisonnière, le Moyen-duc est sexuellement mature à la fin de la première année. La fidélité au site de nidification est connue, mais sans savoir s’il s’agit des mêmes oiseaux (GEROUDET,2000).

La densité des couples dépend de la présence d’arbres et de nids de corvidés, mais également de l’abondance des proies. Elle varie de 10 à 100 couples pour 100 km2. La production de jeunes à l’envol fluctue significativement avec les variations des ressources alimentaires, essentiellement les campagnols qui sont soumis à des abondances cycliques. La prédation peut aussi avoir un impact non négligeable sur le succès à l’envol (Rodriguez et al., op. cit. ; KERAUTRETin YEATMAN-BERTHELOT & JARRY, op. cit.). Celui-ci oscille entre 2,2 et 3,7 jeunes. Le taux de mortalité atteint environ 52 % la première année suivant l’envol et 31 % les années suivantes (MEBS & SCHERZINGER, op. cit.).

La longévité maximale dans la nature est de près de 18 ans (Staav & Fransson, 2006).

Régime alimentaire

Le Hibou moyen-duc se nourrit principalement de micromammifères et, en quantité limitée, de petits passereaux (Leboulenger & Ternisien, 1987). Les insectes figurent de façon accessoire à son menu. Les nombreuses études réalisées sur le régime alimentaire ont montré que 85 à 95 % des proies sont représentées par des Microtinés (campagnols) et des Murinés (mulots et souris grise). Selon les régions, le Campagnol des champs constitue entre 55 % et plus de 90 % des captures, sauf en Provence où la souris grise compose l’essentiel du régime. Les musaraignes et les oiseaux, peu consommés, représentent respectivement 0,1 à 5,7 % et 1 à 9,5 % du régime (Bertolino et al., 2001, LODE, 1994).

La consommation annuelle d’un couple seul est estimée à plus de 1 800 petits rongeurs, celle d’un couple avec 3 jeunes atteindrait 3 300. Pour nourrir leurs jeunes, les Moyens-ducs peuvent capturer 20 à 25 proies par nuit alors que durant l’incubation l’apport de 2 à 4 petits mammifères paraît suffisant (Bertolino et al., 2001).

 

Etat des populations et tendances d’évolution des effectifs

La population européenne de Hibou moyen-duc est estimée entre 380 000 et 810 000 couples. Son statut de conservation est considéré comme provisoirement favorable, c’est-à-dire qu’il pourrait, à terme, être considéré comme menacé en raison d’une diminution récente d’effectifs enregistrée dans plusieurs pays (Suisse, Allemagne, Pays-Bas, Iles Britanniques et Albanie) (BIRDLIFE INTERNATIONAL, 2004). Parmi les pays les plus peuplés figurent la Russie (150 000 à 350 000 couples), la Roumanie (70 000 à 120 000), l’Allemagne (25 000 à 40 000) et la France (10 000 à 30 000).

En France, le statut de l’espèce est considéré comme favorable (Rocamora & Yeatman-Berthelot, 1999). Bien que considéré comme stable, les tendances d’évolution de la population de l’hexagone, Corse comprise sont très mal connues. Tout au plus, dispose-t-on des informations sur l’évolution de sa distribution révélée par les différents atlas nationaux et/ou régionaux (YEATMAN, 1976 ; YEATMAN-BERTHELOT & Jarry, 1994). Par exemple, l’installation de l’espèce en Bretagne a été confirmée à partir du début des années 1970, suivie d’une expansion et d’une augmentation des effectifs au cours des années 1980 sans savoir s’il s’agissait d’une réelle progression ou bien d’une meilleure prospection (DUBOIS et al., 2000). Ailleurs, aucune tendance démographique n’est connue.

 

Menaces potentielles

Les modifications profondes de l’ensemble des habitats ruraux, avec une mention particulière de la réduction drastique des surfaces de prairies naturelles au profit de la céréaliculture (IFEN, 1996), la disparition progressive des boqueteaux, des haies larges à gros bois ou l’abattage des arbres isolés et en bouquets, notamment les arbres porteurs de nids de corvidés, constituent les principales menaces affectant le Hibou moyen-duc. Les récentes mesures de suppression des jachères constituent une menace supplémentaire, dans le sens où elles encouragent la suppression des espaces herbeux en plaine où s’alimente le Hibou moyen-duc.

L’utilisation des rodenticides entraîne la réduction du nombre de proies disponibles et cause des empoisonnements, pouvant entraîner un déclin sensible des populations des prédateurs.

L’augmentation du trafic routier entraîne une mortalité croissante des oiseaux nocturnes par collisions.

La présence de lignes électriques, également en constante augmentation, constitue une cause supplémentaire de mortalité par collisions et électrocutions (MEBS & SCHERZINGER, op. cit.).

L’espèce subit aussi parfois des tirs directs sur les nids lors des battues de corvidés.

La récupération de jeunes non volants, hors des nids, par des personnes les croyant abandonnés, peut entraîner leur mort.

 

Propositions de gestion

Le maintien des populations de Hiboux moyen-duc dépend largement des politiques agricoles futures. Le principal objectif de conservation consiste à protéger ou à réhabiliter la mosaïque des habitats ruraux traditionnels. Cela peut être obtenu par plusieurs mesures :

- Maintien et développement du pâturage extensif encouragé par des aides financières substantielles et pérennes, concernant aussi la reconquête des prairies naturelles ;

- Replantation et/ou conservation des haies champêtres d’essences locales et d’une largeur minimale de 2 mètres ;

- Conservation des alignements d’arbres, surtout ceux porteurs de nids de corvidés ;

- Maintien en l’état des boqueteaux et des bois en évitant les coupes à blanc et maintien des lisières (coupes…).

La plantation de haies hautes en bordure des routes les plus meurtrières constitue un moyen efficace pour éviter l’exposition aux collisions lors des survols de la route à la hauteur des voitures. L'enfouissement et la neutralisation des lignes électriques les plus meurtrières est aussi à prévoir.

L’emploi des pesticides et plus particulièrement des rodenticides comme la bromadiolone, est à proscrire. Dans la lutte contre les rongeurs, il faut privilégier des méthodes sélectives (piégeage) et la lutte biologique (favoriser les prédateurs naturels – renards, rapaces dont le Hibou moyen-duc – et changer les pratiques agricoles en limitant la tailles des parcelles et en maintenant et restaurant les haies) comme pratiquée dans certains secteurs de Franche-Comté (GIRAUDOUX et al., 2002 ; INRA, 2001 ; Lidicker, 2000)

Il convient de faire appliquer la réglementation sur l’interdiction du tir des corvidés au nid.

Enfin, des campagnes de sensibilisation doivent être menées afin de mieux faire connaître cette espèce en vue d'éviter la récupération de jeunes non volants.

 

Etudes et recherches à développer

En France, il y a peu d’études disponibles portant sur le Moyen-duc, exceptée celle de CLEC’H (comm. pers.) concernant la Bretagne. Des recherches mériteraient d’être menées en priorité sur la dynamique des populations, en axant particulièrement les travaux sur les interrelations entre les variations de densités du peuplement nicheur observées et l’abondance des proies.

Des études sur la dispersion des jeunes, les dortoirs hivernaux et les conséquences toxicologiques des pesticides pourraient aussi être réalisées.

Une enquête nationale qui pourrait être étendue à d’autres rapaces nocturnes, permettant d’évaluer plus précisément l’effectif nicheur et la distribution de l’espèce doit être initiée et constituerait une première base de travail.

 

Vous pouvez retrouver cette fiche "Espèces", plus en détail, dans les Cahiers d'habitats Natura 2000 : Tome 8 Oiseaux, en cliquant sur le lien suivant : http://inpn.mnhn.fr/docs/cahab/fiches/Hibou-moyenduc.pdf.

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